Cher lecteurs et lectrices,

Par la présente je me permets de revenir sur un sujet « brûlant » pour les amateurs de hockey sur glace. S’il est bien compréhensible qu’une réforme d’envergure inquiète et alimente les débats, il convient cependant d’être capable de garder la tête froide et de ne pas mettre de l’huile sur le feu en se basant sur des conjectures et des éléments subjectifs,
Je vous présente ainsi ci-dessous quelques éléments factuels et concrets qui permettent de recentrer et clarifier un certain nombre de points :
1) Les réformes en cours ne concernent pas uniquement la règlementation relative aux joueurs étrangers mais également :
a. L’organisation du fonctionnement de la National League AG dans le cadre d’une convention d’actionnaires ;
b. Le fair-play financier ;
c. L’appartenance à la National League ;
d. La règlementation relative aux agents.
Tous ces éléments doivent être finalisés jusqu’à la fin du mois de mars 2021, comme cela a été communiqué le vendredi 30 janvier dernier.
Dans un monde idéal où l’on n’exigerait pas de voir le film avant que le scénario ne soit écrit, le paquet complet aurait pu/dû être présenté en une fois selon le calendrier indiqué. Notre monde étant ce qu’il est, il a fallu malheureusement procéder différemment et d’ores et déjà communiquer sur des éléments sortis de leur contexte général.
2) En complément de ces réformes, un groupe de travail dont je fais partie, continue d’oeuvrer pour définir dans le détail les futures structures du hockey sur glace en Suisse, en collaboration avec toutes les parties prenantes (SIHF, Equipe nationale, National League, Swiss League, Regio League).
3) Pour revenir au sujet de la règlementation relative aux joueurs étrangers, voici quelques chiffres et éléments nécessaires à la compréhension générale :
a. Les 12 clubs de National League sont aujourd’hui autorisés à aligner 48 joueurs étrangers ;
b. La règlementation particulière des joueurs étrangers à licence suisse implique que 28 étrangers supplémentaires sont aujourd’hui autorisés à jouer dans notre championnat ;
c. A cela s’ajoute encore le cas particulier des ZSC Lions, qui en raison de la règlementation spéciale « NHL », peuvent aligner un joueur étranger supplémentaire ;
d. La situation de départ est ainsi claire, il y a à ce jour potentiellement 77 joueurs de nationalité étrangère qui sont autorisés à évoluer dans notre championnat. Il y a de plus une quarantaine de joueurs étrangers qui évoluent dans les catégories U20 et U17 Elit ;
e. La nouvelle règlementation, en vigueur dès 2022/2023, permettra d’aligner 84 joueurs étrangers, soit 7 de plus qu’à ce jour ;
f. Le système des licences « comme suisse », particularité certainement unique de notre championnat, est simultanément aboli pour les joueurs de plus de 22 ans, de même que la règlementation spéciale « NHL ».
4) En ce qui concerne les « risques », respectivement les raisons avancées pour ne rien changer, voici également quelques éléments à considérer :
a. « Il ne faudrait rien changer car tout fonctionne aujourd’hui » > Je pense que sur un réseau professionnel, je n’ai même pas besoin de commenter une affirmation aussi absurde. Notre monde change en effet avec ou sans le Covid, qui ne fait qu’accélérer
les besoins de réformes. Si nous voulons maintenir notre positionnement privilégié sur l’échiquier des championnats nationaux de hockey sur glace, nous devons ainsi nous améliorer. Apporter aux clubs la petite touche de flexibilité manquante aujourd’hui au moment d’effectuer leur planification du personnel sportif ne pourra qu’y aider ;
b. « Les écarts vont se creuser entre les clubs nantis et les autres » > cette affirmation correspond en fait à la description de la situation actuelle. Notre ligue est disparate et même si sur une saison régulière les inégalités sont peu visibles, c’est aussi cela la beauté du sport, la liste des derniers champions est certainement assez explicite. L’introduction du fair-play financier doit justement permettre d’atténuer ces inégalités ;
c. « L’équipe nationale va souffrir de ces changements » > je vous renvoie aux chiffres ci-dessus, il y aura potentiellement 7 places de moins pour les joueurs suisses dans notre championnat. La concurrence, jusqu’à preuve du contraire, a plutôt tendance à stimuler les forces en présence. A noter encore qu’environ 1/3 des joueurs qui participent aux Championnats du monde n’évolue pas en Suisse, ce chiffre étant évidemment sujet à variation en fonction des saisons ;
d. « Des joueurs suisses vont perdre leur emploi » > encore une fois j’en reviens aux chiffres déjà cités. On parle de 7 places de travail. La catégorie de joueurs qui est la plus touchée n’est en effet pas celle des joueurs suisses mais celle des joueurs étrangers à licence suisse, qui bénéficient à ce jour d’une règlementation favorable qui n’a plus lieu d’être. Le temps leur est cependant laissé jusqu’à 22 ans pour soit s’affirmer comme joueur étranger ou se faire naturaliser. Et il n’y a pas de raison que les bons ne puissent pas conserver leurs postes ;
e. « C’est un signal négatif par rapport à la formation » > disposer d’un championnat qualitatif est le meilleur signal à donner à la jeunesse, tout comme aux fans et aux sponsors. Le nombre de places de travail pour les joueurs suisses ne varie que très peu, comme évoqué ci-dessus, le plus important sera de travailler sur le renforcement des ligues juniors, dossier actuellement également en cours, afin de permettre un passage moins compliqué qu’à ce jour. On peut voir des risques partout ou faire le choix de voir des opportunités ;
f. « Les clubs veulent gagner plus d’argent » > les clubs ont largement augmenté leurs revenus ces dernières saisons. Une grande partie de ces revenus supplémentaires a été utilisée pour le recrutement et le paiement des joueurs. Il est temps aujourd’hui de redistribuer différemment les revenus. S’il est toujours légitime que les joueurs soient associés au développement financier, il n’est plus acceptable que la plupart des clubs doivent se battre chaque saison pour « seulement » équilibrer leurs budgets. Les clubs doivent et devront dès à présent changer de modèle pour devenir rentables bon an mal an, car il faudra bien rembourser les crédits souscrits auprès de la Confédération pour se sortir de la crise du Covid.
En résumé, chaque réforme apporte son lot de contents et de mécontents. C’est la nature humaine de ne pas aimer les changements. L’immobilisme et la nostalgie n’ayant jamais vraiment fait leurs preuves, il faut parfois prendre son courage à deux mains pour aller de l’avant et apporter des changements, tout en reconnaissant aussi que tout ne peut pas toujours être parfait du premier coup et que des ajustements peuvent être nécessaires. Dans les temps troublés que nous traversons actuellement se trouve le meilleur terreau pour réfléchir à son avenir et prendre les mesures adéquates.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire ces quelques lignes.
Raphaël Berger